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Voir le monde à travers les yeux des vegans

Quelques explications

L’autre jour, je suis tombée sur cette vidéo en anglais qui explique comment la vie quotidienne est perçue par les vegans. J’ai trouvé l’idée géniale, mais il y a quelques points avec lesquels je n’étais pas d’accord, et comme je n’aime pas non plus les fonds musicaux larmoyants qui éveillent la pitié, j’ai décidé de vous la traduire à ma manière, et d’en faire un article écrit.

Les préjugés

Tout le monde le sait, il existe un nombre important de préjugés sur les vegans. Parmi les plus courants, on trouve qu’ils sont ‘jugeants’, ‘extrémistes’, des ‘sales hippies’, des gens qui ‘suivent juste une mode’, des ‘bouffeurs d’herbe’, des ‘carencés‘, et j’en passe. En général, au mieux on ne nous comprend pas.

Ce qui est certain, c’est que les vegans sont des gens passionnés par la cause qu’ils défendent, et qu’ils s’investissent, d’une manière ou d’une autre, pour essayer de faire évoluer les mentalités – parfois maladroitement, je le concède volontiers.

Cette passion et cette tendance au militantisme fait qu’on peut difficilement ne pas savoir qu’on a un/e vegan dans notre entourage. Mais avant d’émettre des critiques acerbes ou des jugements, j’aimerais ici prendre quelques minutes pour essayer de vous expliquer ce que les vegans vivent au quotidien. Ils ne sont pas des pauvres choses, ils ont choisi leur combat, mais c’est important de se mettre à leur place pour mieux comprendre certaines réactions/réflexions. Il n’est pas non plus question ici de vous faire adhérer à la cause, mais juste de vous exposer les faits.

Le monde à travers les yeux des vegans

Faisons une expérience très simple:

Imaginez que vous êtes invités chez des amis proches ou chez votre famille pour un repas convivial, et qu’on vous sert un magnifique rôti…de chien ou de chat.

Vous regardez autour de vous et vous voyez les gens rire, faire santé, découper le corps du chat ou du chien en tranches, se dire à quel point il sent bon, se féliciter parmi de la cuisson parfaite.

Ça vous fait quoi ? Vous trouvez ça répugnant ? Comment est-ce que vous percevez les gens autour de la table qui participent à ça ? Est-ce que vous voyez vos amis et votre famille sous un autre angle ?

Sachez que c’est comme ça que se sentent les vegans face à tous les animaux qui sont tués pour nous, humains. Nous voyons tous les êtres sensibles comme ayant un droit égal à la vie. Un rôti de porc, de boeuf, de chien ou de chat nous fait donc un effet similaire.

Le fait de donner le même droit de vie à tous les êtres sensibles s’appelle l’antispécisme. Il se base sur quelques faits très simples: tous ces animaux sont capables de ressentir des émotions comme la douleur, la joie, la peur, et ont tous un « désir de vivre » – c’est à dire que si on met chacun de ces animaux dans une situation de danger, il va tenter de s’en échapper. Puisque tous les animaux (mammifères, oiseaux et poissons en premier plan) ressentent ces émotions, nous ne voyons pas pourquoi il faudrait les différencier entre eux, et aimer les chats ou les chiens mais manger les vaches ou les cochons. Cette petite vidéo sortie tout récemment explique bien ce qu’est le spécisme.

En tant que vegans, nous nous sommes affranchis des distinctions entre ‘animaux de compagnie’ et ‘animaux d’élevage’ (autrement dit entre ceux qu’on aime et ceux qu’on mange) que la société nous a imposées depuis notre plus tendre enfance.

De plus, lorsqu’on parle de sentiments tels que la souffrance, toutes les autres barrières arbitraires tombent aussi: celles du genre, de la race ainsi que le handicap physique ou mental. C’est universel. Et énormément de gens comprennent le fait d’être antispéciste en théorie, mais la plupart ne voient que les produits finis de l’exploitation animale et ne font pas le lien avec les pratiques quotidiennes.

Faire le lien

C’est là que les vegans voient les choses autrement. Plutôt que de voir une côte de boeuf, un rôti de porc ou une entrecôte de cheval, nous voyons le processus qui a permis de créer ces produits. Une fois que ce processus a été vu et ressenti (vous trouverez une liste de documentaires et vidéos à la fin de l’article), c’est impossible de ne plus le voir et de ne plus y prêter constamment attention (puisqu’on est constamment confrontés aux produits animaux).

On ne peut plus voir du jambon sans voir le cochon qui a été crée, a eu une qualité de vie douteuse pour finalement être tué pour ce jambon (sans parler de toutes les saloperies qu’on leur donne à manger pendant leur vie et des additifs qu’on ajoute ensuite, comme le glutamate pour beaucoup de jambons industriels).

On ne peut plus voir du fromage sans voir la vache subir insémination sur insémination et être séparée de son veau à la naissance pour que nous puissions profiter de son lait.

On ne peut plus voir de fourrure sans voir des animaux élevés dans des cages minuscules, devenir fous et mourir électrocutés ou parfois même dépecés vivants. Pareil pour le cuir et la laine, qui sont elles aussi des industries bien plus cruelles que ce qu’on pense.

Ce n’est pas parce qu’on ne connait pas personnellement ces animaux et qu’on ne les voit pas que leur valeur en tant qu’êtres vivants qui partagent cette terre avec nous diminue. C’est un peu comme les drames à l’étranger, où tout le monde s’insurge parce que les médias ne les relayent pas et s’en foutent. Si vous êtes capables de trouver horrible que des humains s’en foutent d’autres humains, vous êtes capables de trouver horrible que des humains s’en foutent d’animaux qui ressentent les mêmes émotions basiques qu’eux.

La vie de tous les jours

Mais voilà, en tant que vegan on DOIT perpétuellement faire face à des bouts de leurs corps PARTOUT où on va, TOUT LE TEMPS. L’abus de ces animaux dont on se préoccupe n’est pas simplement ignoré par les gens, il est constamment promu par des pubs, exposé, rendu drôle, déguisé en spectacle (cirque) ou en mode (fourrure, cuir, laine).

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Les supermarchés qui regorgent de ces morceaux d’animaux nous rendent tristes et révoltés, au même titre que les barbecues entre amis où on se fait chambrer parce qu’on amène un équivalent végétal à mettre sur le grill ou que les repas de famille (notamment Noël et autres fêtes), pour ne nommer que quelques cas.

Nous sommes constamment touchés par la mort d’êtres vivants que la majorité du monde perçoit encore comme des ressources, un repas, un choix personnel…!

Si vous avez de la peine à vous imaginer comment on se sent malgré ces explications, essayez de vous rappeler ce que vous avez ressenti quand vous avez appris que Cecil le lion avait été tué pour servir de trophée , ou quand ce bébé dauphin a été tué pour quelques selfies… Eh bien ça, c’est une fraction de la rage et de l’incompréhension que nous ressentons face à l’exploitation d’animaux pour

notre nourriture

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Pig farming. Italy. 2015. PHOTO by the amazing Jo-Anne McArthur

nos habits

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A starving red fox at a fox and mink farm. PHOTO by Jo-Anne McArthur

ou notre divertissement.

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The Pata zoo at the Bangkok Pata mall. Thailand, 2008. PHOTO by JO-ANNE MCARTHUR

La seule différence entre tous ces animaux c’est que certains sont des ‘espèces menacées’, d’autres des ‘espèces que l’on peut exploiter’ et d’autres encore nos ‘meilleurs amis’. Qui a crée ces catégories ? Oui, c’est bel et bien l’humain. C’est donc pour le moins arbitraire, puisqu’il semble que les chevaux sont bons à manger ici et en France, mais en Angleterre et au Canada (ironiquement, une bonne partie de la viande de cheval vendue en Suisse vient du Canada) c’est impensable. En Europe, tout le monde s’insurge face au festival de Yulin qui met à mort quelques milliers de chiens par an pour la consommation humaine. En France, c’est plusieurs millions de vaches qui sont décimées chaque jour pour faire plaisir aux papilles de ces messieurs dames. Pourquoi l’un est outrageant et pas l’autre, si ce n’est qu’à cause de ces constructions sociales arbitraires ?

Les humains non-vegans

Donc, tout le temps, on voit nos familles, nos amis, les gens qu’on aime, payer pour des produits animaux et donc participer à la demande et soutenir ces industries cruelles qui seraient sans aucun doute massivement dénoncées si elles se passaient sous nos yeux plutôt que loin des regards.

Mais ce n’est pas tout ! On voit des environnementalistes manger de la viande, alors qu’on sait que la production de viande est une cause importante du réchauffement climatique.

On voit des féministes se nourrir de lait et d’oeufs, qui sont des produits issus directement des organes reproducteurs de femelles exploitées.

On entend des religieux et des personnes inspirées parler de paix et de bonté quand ils consomment des produits issus de l’injustice et de la violence.

On voit des gens prôner l’approvisionnement local et l’importance du bien être animal, mais n’avoir aucun problème à aller manger de la bidoche ou du poisson dans un resto alors qu’ils ne connaissent pas la provenance de ladite viande.

On côtoie des gens qui disent qu’ils ne mangent presque pas de viande, et on se rend vite compte que leur définition de ‘viande’ n’inclut ni la charcuterie ni le poisson.

Mais, le plus souvent, on voit des gens qui se considèrent comme des amoureux des animaux mais qui donnent de l’argent CHAQUE JOUR pour toutes formes d’abus sur ces mêmes animaux.

Conclusion

Ça ne veut en aucun cas dire que les vegans sont parfaits et à 200% cohérents tout le temps. Ce sont des humains aussi, et nous ne prétendons ni à la perfection, ni à une cohérence irréprochable à tous niveaux, c’est impossible dans le monde dans lequel on vit. Tout ce qu’on souhaite, c’est vivre dans un monde ou le respect de la vie et la compassion ont plus de pouvoir que le plaisir personnel et la violence, et on le met en pratique du mieux qu’on peut, parce qu’on sait que juste les mots et les critiques ne suffisent pas à faire bouger les choses.

Donc, avant de dire que les vegans sont extrémistes, avant de dire qu’on fait la morale et avant de vous moquer de nos choix à travers des remarques ou de la provocation, essayez de vous rappeler comment on voit le monde et essayez d’avoir de l’empathie pour nous, et surtout pour les 56 milliards d’animaux de ferme (ce chiffre n’inclut pas les poissons…) qui sont inutilement tués CHAQUE ANNÉE dans le monde pour assouvir nos désirs personnels. Et si vous avez l’impression de devoir vous justifier, demandez-vous pourquoi ? Si vous êtes tellement à l’aise avec votre mode de vie, vous ne devriez ni vous sentir agressé, ni avoir l’impression de devoir vous justifier.

Je vous laisse avec cette dernière question à méditer: Pourquoi est-ce que vous ne voyez pas la même chose que nous, alors qu’il s’agit d’une réalité tangible, étudiée et de plus en plus dénoncée ?


Quelques pistes si vous voulez en savoir plus:

Documentaires:

  • Pour les conditions d’élevage en suisse romande, jetez un coup d’oeil au documentaire Derrière les Portes de Kate Amiguet.
  • Earthlings (sous-titres uniquement en anglais, mais les images suffisent)
  • Cowspiracy (sous-titré français)
  • Une expérience immersive dans la vie de cochons d’élevages industriels. Très bien car elle ne montre que ce qui est fait selon les règles en vigueur, sans dérapages de la part du personnel. Peut être écoutée en anglais, allemand, italien et espagnol. Les images parlent d’elles-mêmes de toute manière.

Photographies:

Livres:

  • La Libération Animale de Peter Singer (1975)
  • Eat Like You Care de Gary L. Francione (2013)
  • Plaidoyer pour les Animaux de Matthieu Ricard (2015)
  • Antispéciste d’Aymeric Caron (2016)

Sites d’informations et d’engagement militant:

 

 

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